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Au Maghreb, la tentation du recentrage de la France vers le Maroc

Par petites touches, le scénario se dessine. Le curseur de l’effort diplomatique de la France au Maghreb va rebasculer ces prochains mois vers le Maroc, pays avec lequel la crise avait été acrimonieuse en 2022 et 2023. Il flotte dans l’air comme un recentrage, un retour au classicisme – les deux pays furent longtemps très proches –, après une tentative de réconciliation historique avec l’Algérie qui n’a, à l’évidence, pas apporté les fruits escomptés.
Paris prétend certes s’affranchir du dilemme maghrébin. Sa diplomatie dans la région « n’est pas un jeu à somme nulle », insiste-t-on au Quai d’Orsay. Aussi n’y aurait-il pas lieu de choisir entre le Maroc et l’Algérie, ces deux frères ennemis. Réchauffer avec l’un ne signifierait pas refroidir avec l’autre. Il fut même un temps (le début des années 2000) où le climat était plutôt bon avec l’un et avec l’autre, preuve que l’incompatibilité n’est pas fatale. Au Maghreb, la France pense pouvoir aligner des relations bilatérales parallèles sans devoir « trianguler ». Composer avec Rabat sans se soucier d’Alger et réciproquement.
L’évolution récente du contexte stratégique régional complique toutefois l’exercice. La rupture tapageuse, et un brin inquiétante, entre Alger et Rabat depuis l’été 2021, dégât collatéral de la normalisation diplomatique entre le Maroc et Israël fin 2020 et de la réémergence concomitante du litige autour du Sahara occidental, rend l’équidistance plus délicate que jamais. L’animosité entre les deux pays a atteint un degré sans précédent depuis l’éclatement des hostilités en 1975 entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger. Dans cette nouvelle atmosphère de guerre froide, toute faveur à l’un risque d’être vécue comme un affront par l’autre.
La France a pourtant bien mûri l’inflexion qui s’annonce : le rééquilibrage de sa diplomatie maghrébine vers le royaume chérifien. Le déplacement du ministre des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, à Rabat, le 26 février, qui dit vouloir « écrire un nouveau chapitre » dans la relation franco-marocaine, est un premier signal. D’autres devraient suivre, jusqu’à une possible visite d’Etat au Maroc d’Emmanuel Macron dans le courant de l’année, non encore officiellement annoncée, mais de plus en plus vraisemblable.
En attendant, les délégations françaises vont se succéder à Rabat et à Casablanca, une remise en mouvement qui tranche avec le froid polaire qui avait caractérisé la relation ces deux dernières années. Les contentieux s’étaient empilés : scandale d’espionnage marocain par le biais du logiciel israélien Pegasus ; restrictions drastiques dans l’octroi des visas aux ressortissants du Maghreb ; soutien des eurodéputés du groupe Renew (que dirigeait alors M. Séjourné) à deux résolutions du Parlement de Strasbourg critiquant les pratiques du pouvoir marocain. Et, bien sûr, la main tendue à Alger par le locataire de l’Elysée avait ajouté au dépit du royaume chérifien. Ce dernier avait réagi en snobant ostensiblement une France perçue comme désormais inamicale.
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